Pourquoi, l’entente entre les hommes, n’est-elle toujours pas achevée ? 

«A cause de ces mêmes hommes !» répond le film hongkongais «Election», réalisé par Johnnie To et écrit par Yau Nai-Hoi et Yip Tin-Shing. (2005)


Le film nous embarque dans l’univers des triades hongkongaises (organisation criminelle chinoise), et ce, durant la période la plus importante de l’organisation - les élections présidentielles. Tous les deux ans, les «oncles» de la triade votent un nouveau président. Les deux candidats sont: Lok et Big D.


Lok est un homme d’affaire souriant, père de famille et « propre » sur lui. 

Big D est une jeune tête brûlée qui rapporte énormément d’argent, de l’argent taché de sang.



Les oncles se questionnent. Vaut-il mieux la stabilité ou la richesse? Le groupe ou l’individu? L’harmonie ou la violence ? 


Et alors que film passe et les hommes trépassent, les masques finissent par tomber. Lok a beau être charmant et père de famille, il ne vaut pas mieux que Big D. Lui non plus n’hésite pas à tuer ses opposants de ses propres mains et n’a que très peu de respect pour le régime démocratique. La triade, jusque-là soudée, se divise, des camps se forment et tout vient à penser qu’une guerre approche.


Ce sentiment de guerre imminente, les auteurs d'Election l’ont bien éprouvé avant que la Chine ne reprenne le contrôle du territoire. Chaque année passée dans le territoire libre d’Hong-Kong est un miracle. Une vision d’épée de Damoclès plane au-dessus de la démocratie, au-dessus de la paix. Un ressenti commun à tous les habitants de cette ville. De ce sentiment découle l’instabilité et, a posteriori, la fin de la démocratie. C’est en tout cas le constat que fait le film. 

Ce film met en exergue ce qui m’effraie et me fascine dans notre système politique. Il démontre la folie égocentrique que les mirages du pouvoir politique peuvent provoquer sur quelqu’un qui les désire. Un pouvoir qui s’insinue dans chacune des failles qu'un homme porte, afin d’en faire ressortir ses plus sombres cotés.  


Personnellement, j’ai toujours inscrit ma pensée dans celle de la révolution française. La démocratie, on l’oublie, n’est pas un acquis mais « un droit fondamental » que nos aïeux ont gagné au prix de larmes et de sang. Elle est fragile. Elle nous offre cet esprit critique qui caractérise tant l’Homme Libre. Elle nous permet d’être représenté par les crevasses les plus sombres de l’Etat.  Et tout cela, il faut le chérir. 


Mais Election m’interpelle : si les seuls candidats aux élections ne valent pas mieux les uns que les autres, que reste-t-il à chérir de la démocratie ? Cette merveilleuse machine qui avait tout pour réunir les Hommes sur un pied d’égalité et les représenter. Quel est le grain de sable qui a empêché ses rouages de bien tourner ?

C’est à la fin du film, lorsque Lok tue la femme de Big D, entourés de singes, que j’ai trouvé la réponse. 

L’homme a beau inventer toutes les formes d’entente possible, sa nature d’animal l’empêchera toujours d’être en paix. 

Que ce soit avec les autres ou avec soi-même. 


Une fois le film fini, un bruit au-dessus de ma tête, puis une vision.


La voici, mon épée de Damoclès. Je la vois se rapprocher de mon scalp. Elle pèse de plus en plus,  les poids s’accumulent : le réchauffement climatique, la montée de l’extrême droite, la crise économique, l’insécurité …


Qui sait quand elle va me trancher la tête ?


un coup de coeur d’Antoine Pugnet, 15 août 2021