RENCONTRE

« Peut-on dire la vérité sans carte de presse ? »


Débat avec les auteurs Céline Martelet, Marine Vlahovic et Olivier Minot

Au 6ème jour d’ « Arte Radio part en live » au Palais de Tokyo,  c’est la question qui fait sourire tout le monde aujourd’hui!


Ambiance au palais - « garage ». C’est au sous-sol que la bête se terre. Je me prosterne devant le mur des récompenses reçues par Arte Radio… Devant moi affichés de haut en bas, les noms des podcasts primés ces 20 dernières années… ça calme !


Parmi les lauréats, je repère les noms de Céline Martelet, Marine Vlahovic et Olivier Minot.

Au programme ce soir, Silvain Gire, l’âme et le fondateur de cette institution mythique reçoit ces trois auteurs qu’il produit. Céline Martelet, Marine Vlahovic et Olivier Minot aka Livo, viendront débattre en public de l’impact de la carte de presse sur la vérité de l’information…

14h30 - Livo présente à Silvain le brouillon de DEPECHE ! ARTERADIO PART EN LIVE. Son podcast revisite chaque jour l’actualité du monde. En à peine 24 heures, il réalise de l’écriture au montage, un épisode de 5mn qui sera ensuite mixé par Arnaud, réalisateur et ingénieur du son. Pour cette équipe habituée à travailler ensemble tout est calé et bien rodé.


Selon Sylvain Gire « Le principe d’ArteRadio, c’est le dévoilement. Les gens croient qu’on enregistre le réel. La seule chose qui enregistre le réel, c’est une caméra de surveillance et on ne fait pas de films avec une caméra de surveillance. Ça n’a pas d’intérêt, pas d’intelligence et pas d’esprit. Donc, même dans un documentaire sonore, on met en scène. Jusqu’où on peut aller c’est la question qu’on va se poser ce soir… »


A 19h30,  « Je m’appelle Silvain Gire et je n’ai jamais voulu faire de la télévision…»

C’est comme ça que débute la 6ème table ronde, « Peut-on dire la vérité sans carte de presse*? ».


En choisissant d’introduire la table ronde de la sorte, Silvain rappelle que la carte de presse est traditionnellement rattachée au monde de la télé, à une information codifiée qui fait souvent preuve de formatage. Pour débattre de ce sujet, il a choisi 3 auteurs aux univers bien distincts qui s’expriment différemment et pour qui la question de la carte de presse n’est pas centrale.


« Pour moi c’est un faux débat, journalisme et documentaire, ça peut être complémentaire. » Marine Vlahovic livre dans ses CARNETS DE CORRESPONDANTE, 3 années de couverture en Palestine pour les rédactions françaises et francophones… Elle raconte son quotidien sur place, sans filtre. Pour elle, à ce moment-là, la carte de presse est vitale pour circuler entre Israël et Palestine. Imaginez aussi qu’à cette époque elle était en guerre avec ses employeurs. « On me demandait de travailler vite et mal. J’ai enregistré mes échanges avec ma hiérarchie, mes confrères. C’était pour me protéger en tant que pigiste payé à la tâche ». Tout se passe oralement. Elle s’enregistre pour conserver des preuves sur le travail accompli. Une fois le podcast diffusé, on l’attaque parce ce que cela dérange. 


Céline Martelet est journaliste et l’autrice du podcast, LA CAGE qui recueille le témoignage d’une djihadiste française placée en conditionnelle depuis son retour de Syrie et en attente de jugement. Pour elle, « sans carte de presse, tu ne peux pas, accéder aux procès des attentats »; « La Turquie demande aujourd’hui aux journalistes de présenter leur carte de presse avec une accréditation quai d’Orsay ». Elle est attachée à ce laisser-passer qui n’est pourtant pas déterminant dans sa fonction de journaliste ou de documentariste.


Livo, lui, décale tout, même l’utilisation de la carte de presse ! « Je l’ai eu à un moment où j’avais des poursuites judiciaires, suite à un reportage dans une action militante d’étudiants. » Inculpé pour vol en réunion avec violence. « Quand on se retrouve face à la justice on a besoin de garanties de représentation…» Dans DEPECHE, Il aime les aller retours entre la rue et la parole médiatique et démonter les contre-vérités. Il se rapproche plus d’un journalisme situé, revendique une part d’opinion dans ce qu’il raconte et un positionnement pour ou contre.

Sylvain conclut en disant que désormais les journalistes sont aussi détestés que les avocats ou les publicitaires. De toute façon chez Arte Radio c’est le terme d’auteur qu’on préfère à celui de journaliste. La non fiction, le podcast, le récit de soi sont les formes qui avancent… Le «je» semble plus crédible pour dire il s’est passé ceci…


Finalement la subjectivité assumée qu’il représente l’emporte. 


Grace à lui Marine se réincarne en tant que personne tandis que Céline peine à l’employer pensant que c’est hypocrite. Il est vrai que ce n’est pas ce qu’on apprend dans les écoles de journalisme… La frontière entre deux mondes réapparait encore. Non la carte de presse ne sera pas le trait d’union entre ces professionnels qui font le même métier mais pas de la même façon !


Silvain Gire est un rédacteur en chef qui  tranche sans état d’âme. Et pourtant, pour lui, « Le podcast c’est souvent des gens qui doutent, des gens qui partent toujours d’eux-mêmes, de ce qu’ils sont. Ça peut être une fausse humilité, un artifice de narration. Un podcaster, va dire, est-ce que par hasard, ça serait ça? Qu’est-ce que je pense moi? Qu’est-ce que ça me fait et est-ce que je me trompe?  C’est une posture mais ce n’est pas la même posture que celle de l’autorité qui tombe d’en haut, c’est une posture de doutes, d’apprentissage et une forme d’humilité. »


La couleur et la ligne éditoriale d’Arte Radio, on la doit à Silvain Gire. Ce qui compte pour lui, c’est de laisser une place à de nouveaux récits et sa chance aux jeunes auteurs…


Et puis une question dans la salle relance le débat en nous mettant sur la voie…

Qu’est ce qui compte ? l’impact ou la vérité ?


Un récit de Véronique Landolfini


Pour écouter les podcasts Carnets de Correspondance : 

https://www.arteradio.com/serie/carnets_de_correspondante/1997



Pour écouter les podcasts Dépêche ! :

https://www.arteradio.com/emission/depeche/1132 



Pour écouter La Cage - une française dans le djihad : 

https://www.arteradio.com/serie/la_cage_une_francaise_dans_le_djihad/2215


Le programme d’Arte Radio part en Live au Palais de Tokyo : 

https://palaisdetokyo.com/exposition/arte-radio-part-en-live/





* Faut-il encore préciser ce qu’est une carte de presse ? 

En France, c’est une carte d’identité professionnelle qui permet aux journalistes professionnels de prouver leur activité, d'accéder plus facilement à des lieux qui leur servent à obtenir des informations (salle de presse, bureaux officiels, musées, etc.) et de faire valoir leur droit à la protection sociale prévue par leur statut. L'exercice du journalisme en France est libre et non réservé aux journalistes détenteurs d'une carte de presse et ce document n’est en aucun cas obligatoire pour pratiquer le métier de journaliste, qui peut être exercé librement par n’importe quelle personne, sans que celle-ci ait besoin de diplôme spécifique.