Un thème proposé par Arte Radio, animé par Sylvain Gire et débattu par Élodie Font, «Klaire fait Grr» et Benjamin Abitan, auteur et  autrices, primés pour différentes œuvres radiophoniques.  Cette discussion intéressante et animée a été entrecoupée de  chansons de Barbara, de Daniel Balavoine et de passages de podcasts respectifs de chacun des auteurs.


Du Je au Nous


Le débat démarre fort! « Mais y en a pas marre des podcast au «je» ?… Moi, moi, moi… Moi je…. Parler de soi  à la 1ere personne ce n’est pas un peu individualiste» ? C’est Silvain qui s’exprime. Ce à quoi Elodie répond : «ça dépend. Que racontes-t-on ?  Et comment ? Que perçoit l’autre ? » La sincérité est pour elle un ingrédient principal. Elle avoue avoir été d’une totale sincérité faisant même intervenir sa propre mère dans son autofiction. Pour preuve, elle a reçu des milliers de mails après la diffusion de son podcast « Coming-in ». Signe qu’un grand nombre de gens se sont retrouvés dans son récit. Benjamin approuve: « l’intime peut devenir universel ». En effet, se raconter permet aussi de lever le voile pour quelqu’un d’autre. Elodie explique d’ailleurs que les auditeurs  qui l’ont contactée parlaient surtout d’eux, de leur histoire, de leurs émotions. Ainsi se raconter au «je» peut avoir une fonction de révélateur auprès du public et inciter à la confidence. Ce que résume parfaitement Silvain : «finalement «Je» est-il un autre? ».


De la vérité au mensonge vrai


Concernant la sincérité totale, Klaire émet une nuance. S’appuyant sur une chanson de Barbara qui donne une fausse adresse sur une histoire vraie, elle se pose la question: «est-ce grave?».  0u encore, Balavoine qui chante «Mon fils, Ma bataille» alors qu’il n’a pas d’enfant,  un mytho total!  Et pourtant ce texte poignant n’est-il pas touchant? Selon Klaire, dans certains cas la vérité est moins importante. Parfois même, elle vient donner du relief au fait. ? Inventer, par exemple, des instants cela ne change rien au  réel mais peut apporter une note ludique, ou poétique, ou romantique. On comprend alors qu’il s’agit là « petits mensonges qui ont la saveur du vrai » et font la valeur ajoutée à l’histoire. La sincérité ici n’est donc pas synonyme de «tout est vrai» mais plutôt de récit qui part d’émotions vraies. Et c’est Benjamin qui clôture cette partie du débat avec cette phrase magnifique: « D’ailleurs, il n’est pas besoin de parler pour mentir ».


Autofiction comme une écriture revanche ?


Autrement dit l’autofiction part-elle toujours d’un trauma? D’une souffrance? D’une émotion intense? Pour Elodie cela permet  plutôt de sublimer des moments.  « Parfois, dit-elle, on se sent impuissant devant certaines situations bouleversantes de la vie. Les raconter est une façon de les élaborer ». Benjamin explique que c’est une manière pour lui de figer les choses pour ensuite s’en débarrasser.  Klaire pense que raconter quelque chose de banal peut aussi faire un excellent sujet. Tout dépend de la façon dont on raconte.  Mais la question se pose. Comment gère –t-on ensuite le fait de s’être mis à nu? Pour Elodie, l’écriture a permis la mise à distance. « Aujourd’hui, je ne suis plus du tout la même que celle qui a écrit le podcast ». Benjamin avoue qu’il ne dit pas ce qu’il ne veut cacher.  Bien évidemment, chacun a droit à son jardin secret.


La conclusion de cette partie du débat est d’Annie Ernaux, Nobel de littérature, évoquée par Silvain. Le récit de soi c’est: « dévoiler quelque chose que seul l’écriture le permet,  la douleur, la souffrance, la joie.  Les émotions sont universelles. »


Au final, si l’on fait un combo des dires des auteurs, il en ressort qu’une bonne autofiction réunit de la sincérité, de la dérision de soi-même et un peu de mystère qui permet le dévoilement.  Il est important de mettre de la lumière dans l’histoire, même et surtout si elle est difficile. Les sons et le ton, puisque nous sommes dans le sonore, ont leur mot à dire. Enfin, la précision synthétique du récit  fera la différence. Voilà quelques secrets partagés pour que l’autofiction, qui pourrait facilement tomber dans  le narcissique et l’égotique, touche l’universel. Cela nécessite de « prendre son temps pour écrire » conclut Elodie. 


Un récit d’Anna Ciufici



Pour écouter le podcast La dernière séance de Benjamin Abitan : 

https://www.arteradio.com/son/61660323/la_derniere_seance


Pour écouter le podcast Coming-In d’Élodie Font : 

https://www.arteradio.com/son/61658766/coming


Pour écouter la série de podcast Plaisir d’Offrir de Klaire fait Grr

https://www.arteradio.com/serie/plaisir_d_offrir/1300