J’ai lu tout le Cycle de Dune quand j’étais ado. Ces 6 (ou 7 livres suivant les éditions) je les ai dévorés en quelques mois. Surtout durant l’été, en voiture quand mon père nous conduisait sur les routes des vacances, calé sur le siège arrière.
Le film de David Lynch, je l’ai vu plusieurs fois. Il a de nombreux défauts notamment les libertés prises avec le roman. Mais il a le mérite de tenter une première adaptation de ce roman qui a marqué un tournant dans le monde la science-fiction. J’ai aimé certaines propositions, mais quelques décalages par rapport à l’univers de Frank Herbert ont crée en moi des regrets. Ce qui sûr c’est que la musique de Toto pour cette version 1984 est un des fils conducteurs de la version Lynch.
Mais revenons au Dune version 2021.
Cela fait de longs mois que j’attendais la sortie de ce film. Je ne vais pas dire avec angoisse, mais sûrement avec l’envie qu’il soit à la hauteur de Frank Hebert. Ou du moins de l’imaginaire que je m’en faisais.
La musique de Hans Zimmer avait déjà fait son apparition sur YouTube en juin dernier. Comme toujours, l'heure que l’on en découvrait installait un climat à mettre la chair de poule. L’orchestration est très arabisante. Des voix oniriques virevoltent au-dessus des mélodies jouées par des instruments traditionnels. Rien qu’avec cette écoute, on est happé par l’univers d’Hans Zimmer. Et sans image, on est dans un désert sans fin. Il y a un souffle épique indéniable. Avec la touche personnelle du compositeur : une guitare électrique aérienne qui embarque tout sur son passage. On retrouve certains gimmicks d’orchestration entendu depuis Incpetion ou The Dark Knight.
Et donc nous voilà cet automne, le film de Denis Villeneuve débarque sur nos écrans.
L’attente du film se faisait très forte en cette rentrée. Et je n’ai pas résisté très longtemps pour filer au ciné découvrir la version de Denis Villeneuve. J’y ai même couru.
Ce samedi fin d’après-midi, j’ai ma place.
Après tout ce temps de restriction, j’avais oublié la pub avant le film et surtout les bruits des autres spectateurs dans la salle. J’ai l’impression de faire un pèlerinage en venant voir Dune.
Les Lumières s’éteignent. C’est parti pour le voyage dans cet univers.
Dès les premiers plans, la magie opère. Je suis immergé dans l’imaginaire que je m’étais créé lors de la lecture du livre. On est à dix mille lieux l’esthétique très 80’s de la version de Lynch, un peu kitsch maintenant.
Des décors anguleux et spacieux, des plans qui respirent. Un souffle personnel dans la mise en scène.
Bien calé dans mon fauteuil, je me laisse envahir par les décors et l’ambiance du film.
Dune c’est lent, c’est rugueux et c’est une histoire complexe.
Épaulé par Eric Roth (Forrest Gum, Munich ou l’Étrange histoire de Benjamin Button), et Jon Spaihts (Prométheus, Docteur Strange), Denis Villeneuve tire là l’essence de l’intrigue de Dune. Et ce n’est pas simple. Un défi réussi.
Dune est un livre très politique. Un récit qui ouvre de multiples intrigues. Cette adaptation n’est pas parfaite. Il manque à mon goût quelques précisions pour les néophytes notamment sur les rites des Fremens (le peuple autochtone de Dune), ou sur l’importance de la religion Bene Gesserit. Mais tout est là pour avoir l ‘architecture de l’histoire. Ressentir les enjeux : le machiavélisme d’un complot, le poids de la destinée à a assumer sur une planète hostile.
J’ai été parfois déstabilisé par la distribution qui a brouillé mes souvenirs de lecteur. Un homme dans le livre devient une femme dans le film. Ce n’est pas très grave. C’est l’évolution de la représentativité. Il ne faut pas oublier que le roman d’Hebert a été écrit dans les années 60. Une autre époque pour nous.
Hormis tous ces détails qui peuvent rester à la marge, la vision de Dune façon Villeneuve est une grande claque.
Il nous entraine réellement sur Dune. Le désert est brut, aride, violent. Les cadres sont précis, pensés. On ressent dans les plans les dangers que recèle cette planète. On tremble pour Paul (Timothée Chalamet), le héros de cette histoire. On est emporté par la justesse esthétique. Et on est transcendé par la musique de Hans Zimmer.
C’est elle qui donne aussi un spectre de lecture supplémentaire au film. Elle peut être parfois violente, parfois douce. L’utilisation de la voix, en solo ou en chœur crée climat angoissant ou plus reposant. Une espèce de chant tribal nous envoie l’ombre à la lumière, pour se finir dans un chaos. D’ou parfois emmerge la lumière. Les percussions qui s’immiscent petit à petit dans certains morceaux laissent présager la tourmente à venir.
On sent que le compositeur fait lui aussi corps avec cette planète. Que sa création est un vrai projet musical qui complète le film. Qu’il ressent les vibrations des mers de sables. Et qu’il transmet l’urgence de la situation politique et les tensions dramatiques. Les morceaux de Zimmer mettent littéralement les poils. Ils nous font tomber encore plus dans une Dune sauvage et tribale.
Durant les plus de 2h40 de film (générique inclus) je n’ai pas décroché de la version que Denis Villeneuve nous propose. C’est haletant dans la lenteur. Les acteurs sont justes et toujours sur la corde. Les images, les couleurs, les décors nous plongent dans l’aridité de Dune. J’y ai retrouvé le roman que j’ai lu ado. Ce souvenir de rudesse de l’univers de vie où chaque parole est pensée. Où les relations se jouent sur la valeur. Où la seule valeur commune c’est Dune. Et Dune est un combat pour la survie. La survie d’une famille, celle de Paul, et la survie d’un peuple, les fremens.
C’est simple J’ai été happé par cette Arrakis proposée par Denis Villeneuve : ces vents et son épice. J’aurai tellement aimé voir la suite de cette partie 1. J’aurai passé les 2h40 supplémentaire sans problème assis dans ce fauteuil. J’ai eu du mal à quitter la salle.
Dune m’a happé comme je ne l’imaginais pas.
J’ai mis longtemps avant de redescendre de cette proposition d’univers. C’était tellement bon comme expérience, que je vais certainement aller le revoir dans une salle avec un écran plus grand. Pour cette fois être vraiment immergé dans l’image et profiter encore plus du travail du réalisateur. Être à nouveau plongée dans cet univers de sable, dans ce monde si politique, si poétique et si envoutant.
Vivement le chapitre deux, l’attente va être tellement longue.
un coup de coeur d’Emmanuel Meneghini, le 20 septembre 2021
Dune
Réalisé par Denis Villeneuve
Scénario de Denis Villeneuve, Eric Roth et John Spaihts
Avec: Timothée Chalamet, Rebecca Ferguson, Oscar Isaac, Jason Momoa, Javier Bardem et Zendaya
Autour de Dune…
Si vous voulez en connaître un peu plus la vision de Denis Villeneuve pour Dune, regardez l’interview (trop courte) faite par Le Fossoyeur de films
Et pour une analyse plus poussée de la musique de Hans Zimmer,
parcourez cet article de Numérama